logo

La Biennale Nationale de danse du Val de Marne

Rencontre professionnelle : le mouvement pour la danse

Jacques Cardon au théâtre Jean Vilar à Vitry sur Seine

La rencontre envisagée avec les professionnels se réalisera à Vitry et réunira pour la première fois tous les acteurs possibles impliqués de près ou de loin dans la danse. Les danseurs et les chorégraphes, les directeurs de théâtre, les représentants syndicaux, les administrateurs de compagnie, les élus, les artistes syndiqués, les éclairagistes, les scénographes, les journalistes etc.. Parmi les artistes présents, étaient du nombre les danseurs et chorégraphes Françoise et Dominique Dupuy qui, en plus d’avoir été les premiers à inviter Merce Cunningham en France avec sa compagnie, avaient de leur côté entamé avant tout le monde, la rude tâche de défense des droits d’auteur destinés aux chorégraphes alors que cette reconnaissance légitime n’existait pas. Élément qui résonne d’une façon toute spéciale aux oreilles de Lorrina qui, à partir de là, n’oubliera jamais de faire entendre qu’un chorégraphe est aussi un auteur au même titre que quiconque signe une œuvre.

Inventer, combiner, recevoir

Le résultat des travaux du regroupement professionnel qui s’est tenu à Vitry entre les artistes et autres partenaires, renforcent le projet de création d’une manifestation qui serait capable de prendre en considération la création, la diffusion et la formation en danse. Le président du Conseil Général avait désigné les piliers qui étaient pour lui incontournables: que cela concerne les besoins de la danse mais également toute la population du Val de Marne. Il fallait donc inventer une manifestation. En 1979 Lorrina conçoit et cofonde avec Michel Caserta la première initiative artistique biennale inter-urbaine de France qu’elle administre jusqu’en 1989: La Biennale Nationale de la Danse du Val-de-Marne.

Lorrina B. et Alwin Nikolais invité honneur biennale de la danse. Photo Jean-Luc Dugied.

Une économie sur deux ans

Dû à l’âpreté de la situation économique général et l’absence de budget pour la culture à l’échèle de l’État en particulier, cette initiative jusqu’alors inédite en France et dans le monde fut, dès sa conception, envisagée biennale. En effet, Lorrina déduisit que pour bénéficier de ressources financières à la hauteur des ambitions que la Biennale s’était fixées, il fallait un budget ad’hoc, et surtout soumettre à l’Assemblée départementale et aux villes un projet économiquement viable et artistiquement attrayant.

Les visiteurs du soir

Michel Caserta et Lorrina, après s’être rendu, ainsi que le racontait le directeur de la Biennale, tous les soirs dans chaque ville comme les visiteurs du soir, pour présenter leur projet,  ont donc exposé un plan d’actions et de gestion par lequel l’association
disposerait de deux budgets annuels par édition de la Biennale et les villes garderaient les recettes dues à leur programmation.

Cela assurerait la faisabilité des ambitions fondatrices que la Biennale se proposait d’instaurer dans le Val de Marne.

Dessin pour la Biennale et la revue Adage, Danse et société, d’Ernest Pignon Ernest.

Le temps de l’oeuvre vs le rythme du marché

Aussi, concernant les compagnies de danse, fallait-il envisager un rythme moins contraignant par rapport à la production des œuvres et à leur diffusion que le tempo annuel habituellement attendu par les structures de diffusion, cadence qui stressait trop ces groupes encore jeunes et structurellement fragiles. Enfin, le rythme biennal donnerait aux villes le temps d’adopter les principes de cette collaboration nouvelle et un art qu’elles connaissaient encore peu. C’est ce même projet qui sera retenu par l’assemblée départementale et par les villes et que les artistes ont bien reçu.

Dessin pour la Biennale et la revue Adage, Danse et société, d’Ernest Pignon Ernest.

Le premier réseau artistique interurbain

Historiquement parlant, la conception de la biennale s’était inspirée du rendez-vous qu’avait créé, à Ivry sur Seine, Antoine Vitez pour les jeunes metteurs en scène. Bien qu’annuelle, cette initiative connu comme: Les printemps d’Ivry, programmait des compagnies de théâtre prometteuses, mais cela se faisait dans un seul lieu car il s’agissait d’une initiative municipale. En revanche, la Biennale, étant départementale, allait être accueillie, comme nous l’avons vu, par différentes villes qui avaient des infrastructures artistiques les mieux adaptées à la danse. Tous les deux ans, une bonne quinzaine de villes prendront part qui programmeront la vingtaine de compagnies de danse françaises avec des œuvres de répertoire et aussi des commandes proposées par Michel Caserta directeur artistique de la Biennale. Pour ne pas créer de rupture à cause du rythme biennal Lorrina propose que les années hors biennales, soient l’occasion d’organiser des stages pour les danseurs et des conférences pour le public.

Un livre, un monde de 263 pages

Dessin pour la Biennale et la revue Adage, Danse et société, d’Ernest Pignon Ernest.

Après quelques années d’existence, lorsque la sensibilisation des publics, des élus, de la presse et de la profession en général avait atteint un premier but satisfaisant, Lorrina proposa à Michel Caserta et au conseil d’administration de la Biennale, l’édition d’un livre dont les auteurs seraient représentatifs de toute la profession : des danseurs, des chorégraphes, des théoriciens, des journalistes etc. La publication se fera avec le concours des éditions Armand Colin 1987: «La danse, naissance d’un mouvement de pensée ». Dans ce livre volumineux la danse « parle par elle-même, d’elle même ». Françoise et Dominique Dupuy, Pascal Ory, Vincent Pradourat, José Gil, Patrick Bossatti, Françoise Duchaxel, Chantal Aubry, Elisabeth Schwartz, Annie Bozzini, Josseline le Bouhis, Marc Monet, Alain Foix, Jeanne Labrune, Jean-Louis Badet, Michel Hallet-Eghayan, Guy Benisty…à propos de l’Histoire de la danse depuis ses origines à nos jours, sur les questions du corps, concernant la parole des œuvres et de celle des auteurs à travers l’étude des personnalités de Pina Bausch, Cunningham, Karole Armitage, Hideyuki Yano, l’Esquisse, Mathilde Monnier, Kilina Cremona, Michel Kelemenis, Marc Vincent, Mark Tompkins, Josephine Guatari et Min Tanaka, Daniel Larrieu, Dominique Bagouet, Sidoni Rochon, Claude Brumachon, Paco Decina, Herve Diasnas, François Verret, Angelin Preljocaj, Joseph Nadj, Maguy Marin, Daniel Dobbels, Philippe Decouflé, se rapportant aux expériences marginales comme celles de Jean-Claude Gallotta, Karine Saporta, Odile Duboc, Catherine Diveres, Karine Waehner, Christine Gérard ; puis il sera question des métiers de la danse avec Gilles Grand, Pascal Dusapin pour la musique, Françoise Michel pour les lumières, Dominique Fabrègue pour les costumes, une tentative de réflexion sur la critique, le cinéma, les conservatoires publics, le théâtre de la Bastille…

Une erreur néanmoins

Dessin pour la Biennale et la revue Adage, Danse et société, d’Ernest Pignon Ernest.

La Biennale s’était voulue nationale parce qu’à l’époque où elle est fondée le peut de crédit qui allait à la danse était destiné aux compagnies américaines qui trouvaient à Paris une vraie terre d’asile qui n’existait pas pour elles et pour leur talent aux USA où ailleurs dans le monde. Cela dit, tout le monde comprit rétrospectivement qu’il était injuste de se plaindre de leur présence en France puisqu’au fond elles apportèrent leur talent et leur savoir faire et n’étaient pas responsables de l’absence de budget de l’État pour la danse contemporaine. Lorrina se rendit compte, peu à peu, que ce choix, malgré sa légitimité première, était une erreur et suggèra que la Biennale reçoive un invité d’honneur qui soit un chorégraphe dont le renom profiterait à tous, mais surtout aux jeunes compagnies invitées par Michel Caserta qui entreraient ainsi dans la « grande famille » internationale des artistes de la danse. Ce sera donc à l’occasion du Xe anniversaire de la biennale qu’elle prendra contact, pour Michel Caserta avec le regretté et discret Thomas Erdos pour inviter Alwin Nikolais. A cette occasion Olivier Etcheverry, chargé alors du visuel pour la Biennale, tournera en tant que réalisateur de cinéma, un film sur Nikolais en coproduction avec la biennale.